Comment faciliter l’entrée en maison de retraite ?

Il n’existe malheureusement aucun guide, aucun manuel à ce sujet car chaque situation est différente en fonction de la personne elle-même mais aussi de ses ressources (cognitives, psychologiques, environnementales, familiales, etc.). Nous ne pouvons qu’imaginer le chamboulement que représente une entrée en maison en retraite. Suite à mon expérience en EHPAD, voici quelques préconisations afin que cette étape de vie, aussi difficile soit-elle, se passe le mieux possible dans le but de favoriser l’adaptation par la suite.

 

  1. Discuter des plans d’avenir en amont

Dans la majorité des cas, l’entrée en institution se fait dans un contexte d’urgence. Suite à une brusque détérioration de l’état général de la personne concernée, à une chute, à une hospitalisation actant l’impossibilité du retour à domicile, où même la santé de l’aidant venant à se dégrader brutalement Autant de situations qui, par leur soudaineté et leur imprévisibilité, empêche la personne de « se faire à l’idée ».

Il me paraît important d’aborder l’éventualité d’être accueilli(e) en maison de retraire bien avant ces états de crise. Savoir, même de façon lointaine, que cette possibilité existe permet à la personne de se préparer psychologiquement à ce changement, et entamer progressivement les processus de deuil inhérents à la situation. Le moment venu, la bascule paraîtra moins effrayante, alors que si vous attendez le dernier moment, vous risquez de vous confronter à une plus grande opposition encore.

Pour favoriser le cheminement, je vous conseille de fournir des repères précis afin que la personne puisse elle-même apprécier l’échéance : « quand les aides, même en nombre, ne suffiront plus » ou bien « quand les soins seront devenus impossibles à effectuer à la maison ». Formulez ainsi, vous pointez davantage l’incapacité de l’environnement à répondre aux besoins de la personne (et donc la nécessité d’en changer), sans faire état de ses propres difficultés qu’elle aura tendance à nier.

Si vous êtes plusieurs concernés par cette décision,  je vous  suggère également de vous montrer solidaires les uns des autres et adopter le même discours ; cela évitera que l’un ne porte la responsabilité de la décision et se mette en porte à faux avec son parent.

 

  1. Etre au clair avec le(a) principal(e) intéressé(e)

Lorsque le besoin d’une entrée en maison de retraite se fait plus pressant, que le maintien à domicile n’est plus possible, il est également important d’être transparent sur les faits et ne pas agir sans en avertir au préalable la personne. Au cours de ma pratique, j’ai rencontré nombre de situations où l’entourage, pour ne pas heurter la personne, n’osait pas aborder le sujet avec elle. Les démarches sont donc réalisées à son insu, avec l’intime conviction d’œuvrer pour son bien.… Cependant, pour que ce qui était envisagé hier encore comme un futur lointain, devienne réalité à ses yeux, il me semble nécessaire de l’informer de l’évolution de la situation et de l’associer au processus.

Je recommande également de ne pas travestir la réalité dans une vaine tentative de la rendre plus douce ou plus acceptable … Ainsi, ne présentez pas le futur domicile comme une « maison de repos », ne laissez pas entendre que le placement est « provisoire » ; vous ne feriez qu’entretenir l’espoir illusoire d’un retour à domicile, empêchant par la suite votre parent d’investir en son âme et conscience son nouveau chez lui.

N’hésitez pas à solliciter un professionnel de santé ou un intervenant à domicile (médecin traitant, psychologue, infirmière, auxiliaire) afin appuyer votre constat ; il saura avancer les bons arguments qui seront peut-être mieux acceptés de la part d’un agent du soin, extérieur à la sphère familiale.

 

  1. Laisser le choix

En ouvrant le dialogue de cette façon, votre parent se trouve en mesure de faire ses propres choix et ainsi, de participer activement à son devenir. S’il ne peut véritablement consentir à quitter un cadre familier et rassurant, la transition sera néanmoins moins pénible pour un établissement ayant reçu son assentiment. A défaut d’obtenir une pleine acceptation, impossible étant donné la somme de renoncements qu’elle implique, il me parait fondamental que le lieu en lui-même ne soit pas vécu comme imposé.

C’est le moment de poser les bonnes questions, celles qui s’emploieront à établir concrètement les priorités et ainsi, donner du sens à l’entrée dans cette maison de retraire en particulier : «Qu’est ce que tu penses d’un établissement proche de ta commune ? « ou bien souhaites-tu te rapprocher d’un membre de la famille ? » « Faut-il privilégier les espaces verts ? » « Préfères-tu un mobilier plutôt ancien ou moderne ? ». Si la personne a un animal de compagnie, devra-t-elle s’en séparer ? Aborder ces aspects pratiques inscrit la personne dans une dynamique de changement et donc de potentielle adaptation à celui-ci, ce qui constitue une nouvelle étape de franchie.

Parfois, les personnes âgées connaissent et apprécient d’ores et déjà un établissement spécifique car elles y ont auparavant visité un proche ou fait du bénévolat, ce qui aide à diminuer les appréhensions.

 

  1. Prendre possession des lieux

En effet, l’entrée est d’autant facilitée lorsque la personne a pu faire face à la réalité. La plupart de nos aînés ont une opinion très négative des maisons de retraites, les qualifiant de « mouroirs » ou encore d’ « hospices pour vieux ». Le langage utilisé ici révèle, sans que cela soit dit explicitement, l’absence de vie, de mouvement. Perçues comme la dernière demeure, on y entre pour mourir, point final. Se rendre sur place aura pour effet de venir à bout de ces représentations péjoratives et de faire tomber certaines réticences. Aussi, je vous encourage vivement de visiter ensemble les établissements sélectionnés, tout en sachant qu’en fonction des possibilités d’accueil, la préférence pourra ne pas être satisfaite.

Quelques maisons offrent désormais la possibilité de prendre un repas ou passer une après-midi complète sur place, permettant de juger de la qualité des prestations fournies et de rencontrer les équipes ; en somme, de prendre confiance en l’établissement et de s’approprier progressivement les lieux.

Dans mon travail, j’ai pu constater qu’à leur admission, certaines personnes se sentaient dépossédées de leurs biens ou se retrouvaient en perte de repères. Pour éviter une rupture trop brutale, l’idéal serait qu’elles puissent accommoder leur chambre à leur convenance. Avant l’entrée, voyez avec votre proche quels meubles, quels objets témoins de tant de souvenirs, peut-il espérer déménager et ainsi, créer un sentiment de continuité entre les deux logements. A contrario, je vous déconseille d’installer la pièce sans lui, sous risque qu’elle ne soit alors jamais réellement investie.

 

  1. Vaincre les peurs

 Même en suivant judicieusement ces conseils, il est tout à fait possible que votre parent ne consente pas à ce qui est, manifestement pour vous, la meilleure solution possible. A cet instant, en proie au doute et à l’angoisse, l’entourage préfère laisser en suspens le projet le temps que les tensions s’apaisent, et y revenir lorsqu’un événement s’y prête. En effet, certains de vos arguments ne prendront sens que lorsque la personne se retrouvera confrontée à sa perte d’autonomie.

Il se peut aussi que la perspective de vivre en institution révèle des peurs sous-jacentes ; la menace de l’avenir, de la maladie, de la mort, de l’exclusion, de l’abandon, etc. Ces non-dits renforcent l’opposition de la part de la personne, et vous incite d’autant plus à faire appel à la contrainte. Il est important de libérer la parole et comprendre ce qui se joue dans cette aventure, pour chacun. Car l’institution est une affaire de famille, elle nécessite des remaniements afin que l’ensemble des protagonistes s’assure de son rôle et sa place dans cette nouvelle organisation de vie.

 

L’entrée en maison de retraite représente une épreuve douloureuse pour la personne âgée, qui peut se révéler traumatique si elle n’a pas été suffisamment préparée. Il s’agira pour l’entourage de faire preuve de souplesse, de s’adapter à l’avancée lente et progressive de la pensée, de noter les évolutions positives et d’accepter les fréquents retours en arrière. Il ne faut pas oublier que cette situation met également les proches à rude épreuve, tourmentés par de nombreux sentiments contradictoires : épuisement, colère, culpabilité … Il n’est pas rare de voir d’anciens conflits familiaux se réactiver ; l’histoire de vie, de famille, se trouve revisitée à la lumière des événements présents. C’est pourquoi un accompagnement psychologique des proches peut s’avérer une aide et un soutien précieux, explorant les impasses courantes dans lesquelles ils ont tendance à s’enfermer. La bienveillance naturelle qui vous anime, guidée et ajustée au moyen d’une expertise professionnelle, sera gage d’une approche sereine et réussie.

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