Mon enfant est harcelé, que faire ?

Que se passe-t-il dans la cour de l’école ? En tant que parents, bien des choses nous échappent. Ces derniers temps, plusieurs cas de harcèlement scolaires ont défrayé la chronique, révélant l’importance du phénomène. Si les violences ont toujours existé, l’étendue et l’ingéniosité des pratiques d’aujourd’hui ont de quoi faire pâlir les générations précédentes. Face à cela, il est difficile de savoir comment réagir. Les parents, choqués et désœuvrés, adoptent des conduites qui produisent parfois l’inverse de ce qui était escompté. Mais leur bienveillance est sans faille, voici donc quelques conseils pour l’utiliser judicieusement et venir en aide à votre enfant.

 

Il est bon de parler, et meilleur de se taire

L’enfant harcelé se confie rarement aux adultes, et ce pour plusieurs raisons. La première, et sûrement la plus importante, c’est que cela va à l’encontre des lois implicites qui régissent la cour de l’école. Les problèmes d’enfants se règlent entre semblables, entre pairs. Dès lors, celui qui déroge à cette règle se voit courir le risque non seulement de voir sa côte de popularité descendre en flèche, mais aussi de se faire traiter de « balance »,  soit une impardonnable trahison qui ne manquera pas d’être sanctionnée. Ce qui nous amène à la deuxième raison, c’est-à-dire la peur des représailles. Car la victime sait bien qu’une leçon de morale, ou même une punition, ne suffira pas à dissuader son agresseur de s’en prendre de nouveau à elle, et à juste titre … ll arrive malheureusement souvent que le harcèlement perdure, voire s’aggrave, suite aux tentatives de régulation des adultes. Certains enfants se taisent aussi par crainte d’accabler leurs parents, déjà aux prises avec leurs propres soucis (difficultés financières, stress au travail, problèmes conjugaux, etc.).

De ce fait, ce sont la plupart du temps, les parents qui pressentiront une souffrance, une sorte de mal-être chez l’enfant ou l’adolescent, sans en connaître la cause. J’évoque brièvement quelques signes pouvant vous mettre sur la piste du harcèlement :

  • Votre enfant refuse de se rendre à l’école, il invente tous les prétextes inimaginables pour y échapper ; le matin, il se plaint fréquemment de maux de ventre, de nausées ; il se met volontairement en retard ou rallonge le temps du trajet
  • Ses résultats scolaires ont chuté, il ne fait plus ses devoirs ; il est épuisé et présentent des troubles d’apprentissage
  • Il oublie fréquemment ses affaires d’école, qui en vérité lui ont été dérobées ou cachées ; son matériel est abîmé, ses vêtements tachés ou déchirés
  • Ses copains ou copines ont changé, il ne participe plus aux activités parascolaires ou aux sorties avec ses camarades
  • Une forme de tristesse, d’abattement émane de votre enfant à son retour d’école ; il a changé de comportement ou d’humeur

Chez l’adolescent, nous pouvons également remarquer une irritabilité accrue, que les adultes ont tendance à mettre sur le compte de la fameuse crise d’adolescence. En raison des importants remaniements psychiques liés à cet âge, l’adolescent mettra un point d’honneur à régler cette situation tout seul, et s’efforcera à mettre ses parents à distance.

Établir une communication dans un climat de confiance

Si vous soupçonnez un cas de harcèlement et souhaitez aborder le sujet avec votre enfant ou adolescent, je vous conseille dans un premier temps de dédramatiser la situation. Il est évidemment, bien plus facile de la part d’un intervenant extérieur de se montrer calme et stoïque face à la détresse de l’enfant. Il est néanmoins fondamental que votre enfant ou adolescent ne vous voit pas complètement ébranlé à l’annonce du harcèlement. Le cas échéant, il tachera en réaction de minimiser les faits et on aboutit ici à l’inverse de ce qui était visé : l’enfant qui cherche à préserver son parent.

Il est nécessaire de poser la question sans l’impliquer directement de prime abord. Vous pouvez par exemple, lui expliquer qu’il s’agit là d’une situation malheureusement fréquente, et que vous vous demandez si dans son école, cela était déjà arrivé à l’un de ses camarades, ou bien à lui.

Pour que votre enfant s’ouvre à vous, il doit nécessairement avoir confiance. Tout parent, parce qu’il aime et se soucie de sa progéniture, est animé par un seul et même désir lorsqu’il est mis au courant de la situation : que le harcèlement cesse, et immédiatement. Pour ce faire, il préférera volontiers intervenir lui-même, se méprenant sur les attentes que nourrit son enfant à son égard. Tout se passe comme si l’adulte,  une fois mis dans la confidence, était le seul acquitté de la mission de solutionner le problème au plus vite. Or, c’est bien ce qui retient quelquefois l’enfant harcelé : que des décisions le concernant soient prises, sans le concerter. Je vous encourage donc vivement à rassurer votre enfant, lui assurant qu’aucune solution ne sera envisagée sans qu’il ne soit d’accord avec celle-ci, que vous avez une idée sur la démarche à suivre à partir de maintenant, mais que les réponses seront choisies en toute collégialité.

Etre attentif aux réactions spontanées

Votre enfant, rassuré et confiant dans votre capacité à faire face à la situation, se lance et vous fait partager son calvaire qui dure peut-être déjà plusieurs semaines. C’est un excellent premier pas, mais attention, ce n’est pas le moment de le décevoir avec une réaction à chaud.

Surtout, ne le blâmez pas d’avoir écarté de vous en parler auparavant ; l’enfant harcelé culpabilise d’ores et déjà de ce qui lui arrive, inutile de rajouter à son malheur. D’autant que, nous l’avons vu, c’est souvent la peur, mais aussi  la honte qui pousse la victime à se murer dans le silence.

Autre point essentiel, il est important de ne pas banaliser les violences que subies l’enfant. Le phénomène du harcèlement a été longtemps mésestimé avec l’idée que les moqueries, brimades ou bizutages étaient un rite de passage, ni plus ni moins que « l’école de la vie ». En tenant de tels propos, vous risquez de rompre définitivement la communication à ce sujet, l’enfant se sentant incompris et nié dans ses ressentis. Qui plus est, la victime peut avoir, du moins au début des agressions, une lecture faussée de la situation : il est en effet difficile de distinguer une mauvaise plaisanterie qui a un peu trop duré, d’une violence répétitive qui maintient l’enfant dans une relation d’emprise. C’est donc bien à vous de poser les limites, et non à votre enfant de vous en convaincre.

Accueillir les émotions

A la place, montrez-vous compatissant et soutenant. Votre enfant, parce qu’il a longtemps tenu le secret, va probablement extérioriser foule de sentiments lors de son récit. La tristesse est généralement l’émotion la plus saillante à ce moment : pleurs, sanglots, etc. Il conviendra de ne pas céder à la tentation de vous laisser aller vous-aussi, de partager cette peine sans la ressentir réellement, ce qui est bien entendu une position compliquée à adopter en tant que parents, mais néanmoins salutaire.

Gardez votre calme et ne vous mettez pas en colère contre le ou les agresseurs. La victime n’en manifeste que rarement dans un premier temps, l’état de sidération allant de pair avec une forme de passivité fataliste. « De toute façon, quoique je fasse, cela ne changera rien ». N’y voyez pas un manque de motivation ; la souffrance que l’enfant ressent sera bien plus moteur à modifier la situation qu’une soif de vengeance, il ne sait simplement pas comment s’y prendre. De plus, la fureur pourrait vous, en tant que parents, vous faire prendre des décisions précipitées, davantage délétères dans un tel contexte, mais nous y reviendrons.

Là encore, lorsque vous expliquerez à votre enfant ou adolescent qu’il faut réagir, que cela ne peut plus continuer ainsi, vous allez probablement observer un mouvement de recul de sa part, sous l’effet de la peur. En effet, en s’opposant ou en se rebellant contre son mauvais traitement, l’enfant s’expose à de violences représailles de la part de son agresseur si la réponse apportée n’est pas adaptée, ce qui nous conduit progressivement à notre dernier point. Il faudra, encore une fois, faire preuve de patience et de réassurance sur la suite des événements.

Prendre les bonnes décisions

J’ai connu plusieurs situations de harcèlement où les parents se hâtaient de réagir, avec la meilleure volonté qui soit. Fréquemment, ils préviennent l’établissement pour demander à ce que  la communauté éducative soit désormais plus attentive aux agissements du ou des harceleurs. Parfois, ils contactent les parents de l’enfant maltraitant, en espérant que ces derniers infligent une correction dissuasive à leur progéniture. D’autres encore approchent eux-mêmes cet énergumène, s’assurant ainsi que le message soit bien passé !

Toutes ces réactions, aussi bienveillantes soient elles, ont un point commun : les parents agissent à la place de la victime, se positionnant entre elle et son bourreau.

Qu’en pense l’enfant harcelé ? Il reçoit le message d’amour et de sollicitude que lui envoie ses parents mais insidieusement, il apprend aussi qu’il n’est pas capable de résoudre le problème, qu’il n’a pas les compétences pour, et donc que les grandes personnes s’en chargent plus lui. Sa confiance en lui étant déjà fragilisée par le harcèlement vécu, l’enfant sera enclin à généraliser cet apprentissage à d’autres situations plus ou moins similaires.

Sachez également qu’en agissant de la sorte, votre enfant va au-devant de violentes représailles car la seule et unique leçon que retiendra l’agresseur de ces vaines tentatives de régulation, c’est d’être plus rusé pour ne pas se faire prendre les prochaines fois.

Il apparaît donc bénéfique de se placer non pas en bouclier entre l’enfant et l’environnement, mais à côté de l’enfant. Au lieu de réagir à sa place, le conseiller sur comment réagir, transformant le message en « j’ai confiance à tes compétences relationnelles, tu as besoin d’une aide pour les utiliser à bon escient ».

 

Un enfant victime d’harcèlement a besoin de sentir qu’il peut compter sur ses parents. Mais la résolution de ce dilemme est extrêmement délicate. Malgré le désir impérieux de trouver une solution immédiate, les pièges sont multiples et les erreurs possibles dans des réactions précipitées, en sachant que certaines attitudes peuvent avoir de lourdes conséquences. MoL’aide d’une psychologue permet d’analyser objectivement la situation, d’éviter certains comportements contreproductifs et d’élaborer des moyens d’action pertinents pour trouver non seulement un dénouement rapide et efficace, mais aussi développer durablement une meilleure estime de soi après ce traumatisme.

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